Il y a quelques jours, dans le cadre de quelques démarches administratives, il me fallait une copie récente des actes de naissance des mes parents. Autant dire qu’il n’y avait rien de compliqué à les obtenir, les doigts dans le nez. Mais, j’étais loin de m’imaginer ce qui allait suivre.
Pour mieux comprendre, il faut savoir que mes parents sont décédés depuis très longtemps. Et, j’étais encore très jeune lorsque mon père nous a quitté. Ce qui causa une profonde rupture avec sa famille, du moins pour moi.
Etant encore “trop” jeune, je n’avais pas tissé de véritable lien avec qui que ce soit. J’étais ainsi devenu indifférent à mon histoire, à mes origines, à ma généalogie. La famille, à proprement dit, je ne sais pas ce que c’est. Je n’ai pas de repères ni de point de comparaison.
Et puis tout bascula. Je tenais la copie récente de l’acte de naissance de mon père entre les mains. A la base, l’idée était simplement une vérification d’usage du document. Mais, cette innocente vérification m’a brusquement fait passer d’un état à un autre. Comment décrire ce sentiment ? De l’ivresse, des regrets, de l’amertume, une certaine solitude aussi. Bref, j’étais perdu.
J’étais bouche-bée. Comme sonné par ces six lettres que composaient ce prénom. Je découvrais ainsi le prénom de mon grand-père… le père de mon père. Un choc ! Cette vision du document reste, jusqu’à présent, imprimée dans ma rétine. Il s’appelait Marius.
De Marius, je ne connais rien. Aucune image de lui, aucun descriptif qui aurait résisté au temps. J’utilise là son prénom, mais avant de le découvrir, je ne pense pas l’avoir jamais vraiment associé à un prénom ou à un surnom. Jamais de “grand-père”, “papi” ou autre. Je n’avais même jamais osé imaginer qu’il ait pu existé. Dans ma tête, jusqu’à présent, il n’y avait que mon père… et stupidement, je pensais qu’il n’avait pas d’aïeul.
Et d’un coup, cette homme est venu bouleverser ma vie. Un homme, dont j’ignore absolument tout, avait rempli l’espace d’une fraction de secondes mes yeux de larmes, ma tête de doutes et mon coeur de regrets.
Avant ce moment précis, c’est comme si il n’avait jamais existé. Jamais personne ne m’a parlé de lui, même pas mon père... sans doute n’a-t-il pas une le temps. En fait, l’a-t-il fait ? Peut-être bien… Mais j’étais sans doute encore trop jeune pour vraiment percevoir une quelconque importance à ça.
Me voilà donc, avec un bout de papier où est inscrit Marius, essayant de m’imaginer ce personnage, sa taille, son visage, son regard, sa voix, son caractère… bref que des choses qui sont finalement éphémères, car je n’aurais jamais l’occasion de connaître tout ça.
Malheureusement, sur l’acte de naissance de mon père, il n’y a que ses prénoms et son nom. Rien d’autre, même pas une date de naissance, ou un élément qui pourrait me permettre d’imaginer cet homme.
C’est troublant. Je porte le nom de cet homme. Un peu de son sang coule dans mes veines. Je suis un peu de lui. Il a du inspiré mon père. Et pourtant, je ne connais rien de lui… Je le réalise maintenant, et je n’y peux rien.